Claire Hannicq s’intéresse à l’« héliographie » – au sens littéral de produire des images par la lumière – et à la désillusion en tant que stratégie de destruction de l’image. Pour cela, elle estompe ou fait disparaître des images nées d’illusions d’optique.
Ainsi, ses œuvres oscillent entre rêve et réalité. L’artiste se rend dans des lieux pauvres en luminosité, dans l’ombre de la caverne ou la noirceur de la nuit, afin d’explorer les conditions lumineuses. Pour montrer la clarté, elle a besoin d’obscurité. Provoquée par l’absence de lumière, cette couleur noire, alors si familière dans les œuvres de l’artiste, vient directement questionner la matière par un processus de déformation et de transformation qu’elle nous donne à voir.
Dans son travail artistique, Claire Hannicq se penche sur la notion du trompe-l’œil à différents niveaux. La Nuée, l’antre est conçue pour une pièce obscure. L’œuvre est composée d’une projection vidéo et de caissons lumineux recouverts de verres plats soufflés. Dans chaque caisson lumineux se trouve une photographie aux motifs de grottes, de fossiles ou de graines. La vidéo, muette, est une prise de vue d’un cycle jour-nuit d’un ciel nuageux, projetée à grande vitesse. Comme à la surface d’un lac, les verres plats reflètent la vidéo et permettent ainsi de relier métaphoriquement les éléments ciel et terre. Les images illusoires ainsi générées deviennent elles-mêmes le matériau d’une autre illusion, celle d’un trompe-l’œil infini qui simulent alors un espace nouveau ressenti comme réel par le spectateur.
Dans Obsidienne, Claire Hannicq examine un matériau qui a influencé l’histoire culturelle du miroir et celle de l’humanité. L’obsidienne est un verre volcanique formé de lave. Autrefois, on utilisait cette pierre noire qui, une fois polie, servait de miroir. L’installation est composée d’une photographie rupestre en noir et blanc apposée sur un mur et d’une tablette numérique présentant 46 photographies d’obsidienne. Son écran a été recouvert d’un verre sablé, à l’exception d’une réserve en forme d’œil ou de plaie en son centre. Cette différence de texture sur la tablette laisse entrevoir une vision partielle et floue des images. Ici, Claire Hannicq met en relation le miroir de civilisations antiques et les écrans de notre époque : « Miroir et tablette numérique sont des instruments qui à la fois ouvrent l’œil au monde et y déposent un voile qui déforme formellement et virtuellement la réalité ». Comme l’obsidienne, qui a pu servir de lame dans les temps anciens, l’écran numérique est un outil. Et s’il permet d’observer le monde et nous-même, encore faut-il être attentif à l’incomplétude avec laquelle il nous les renvois.
La Tombée est composée d’un tissu noir plié que l’artiste a blanchi au soleil pendant une longue période d’exposition. L’artiste interroge dans ce travail la sensibilité de la couleur noire dont la pigmentation absorbe toutes les fréquences lumineuses. Ce type d’« héliographie » peut évoquer les premières expérimentations photographiques de Nicéphore Niépce. En effet Claire Hannicq y joue un rôle d’observateur et laisse littéralement à la lumière du soleil la qualité d’auteur.
Felizitas Diering et Baharak Omidfard, 2021
Dans le cadre de l’exposition Visions en noir et blanc au FRAC Alsace.